Le réveil sonne, mais vous vous sentez incapable de sortir du lit, terrassé par une grippe soudaine. Votre premier réflexe est de rester sous la couette, mais une question s’impose : comment gérer cette situation avec votre employeur ? Faut-il appeler immédiatement ? Envoyer un simple SMS ? Attendre d’avoir un certificat médical ? Cette situation, familière pour beaucoup, est souvent le point de départ d’une série de malentendus.
Les règles entourant une absence, même si elle est justifiée par un problème de santé, sont plus strictes et nuancées qu’on ne le pense. Une erreur de procédure, une information mal comprise ou un délai non respecté peut transformer une simple absence en manquement contractuel, avec des conséquences potentiellement sérieuses pour le salarié.
Cet article a pour objectif de clarifier la situation en se basant sur le droit du travail français. Nous allons dévoiler les points essentiels, souvent contre-intuitifs, que tout salarié doit connaître pour gérer une absence de manière correcte et sécurisée, et comprendre les évolutions récentes qui ont profondément changé la donne sur l’absence injustifiée.
- Même une seule journée compte
- La première réaction de l’employeur n’est pas la sanction, mais l’enquête
- La révolution de la « présomption de démission »
- Le choix stratégique de l’employeur
- Les exceptions à connaître
- Mieux vaut prévenir que guérir
- Courrier type de mise en demeure
Même une seule journée compte
Une idée reçue tenace veut qu’une courte absence soit anodine. C’est une erreur. Le droit du travail est formel : TOUTE absence, même d’une seule journée, doit être justifiée auprès de l’employeur. Qu’il s’agisse d’une maladie, d’un rendez-vous médical ou d’un événement familial, le contrat de travail est suspendu et ce changement doit être officiellement motivé.
Le point de confusion le plus fréquent concerne le fameux délai de 48 heures. Il est crucial de comprendre que le salarié a une double obligation.
Prévenir d’abord, justifier ensuite
- La première obligation est de prévenir son employeur de son absence « dans les meilleurs délais ». La loi ne fixe pas de formalisme strict ; il faut informer son manager ou les ressources humaines par tout moyen (appel téléphonique, email, SMS, etc.).
- La deuxième obligation est de transmettre un justificatif formel. Le délai de 48 heures (ou 24 heures en cas d’accident du travail) ne concerne que l’envoi de ce document officiel, comme l’arrêt de travail. Il ne s’agit en aucun cas d’un délai de grâce durant lequel le salarié peut rester silencieux.
Ne pas respecter cette double obligation – prévenir immédiatement puis justifier formellement – constitue un manquement direct aux obligations contractuelles. Le salarié se met alors en faute, ce qui peut ouvrir la voie à des sanctions disciplinaires.
Notre conseil : Créez un SMS ou un email type sur votre téléphone que vous n’aurez qu’à compléter en cas de maladie. Cela vous permettra de notifier votre employeur en quelques secondes, même en cas de réveil difficile, et de respecter votre première obligation.
La première réaction de l’employeur n’est pas la sanction, mais l’enquête
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, un employeur avisé ne lance pas immédiatement une procédure disciplinaire face à une absence non justifiée. Sa première démarche est une phase d’analyse et de prise de contact.
Avant d’envisager une sanction, l’employeur doit tenter de recueillir des informations. Il doit essayer de contacter le salarié par différents moyens pour comprendre le contexte : le salarié est-il hospitalisé ? Fait-il face à un problème familial grave ? Cette phase d’investigation est essentielle, car elle permet d’éviter une décision hâtive qui serait injuste si le salarié a un motif légitime l’empêchant de communiquer. Cette approche protège à la fois l’entreprise contre un éventuel recours et le salarié qui se trouve dans une situation de vulnérabilité.
L’employeur peut à travers son SIRH poser une absence injustifiée le temps que le salarié puisse revenir vers lui. Il pourra la supprimer ensuite pour la remplacer par l’absence justifiée concernée.
Ce n’est qu’en l’absence totale de réponse et après avoir laissé un temps raisonnable au salarié que l’employeur passe à l’étape suivante. Il envoie une lettre de mise en demeure, généralement en recommandé avec accusé de réception. Ce courrier formalise le manquement, constate l’absence injustifiée et exige du salarié qu’il justifie son absence ou reprenne son poste. C’est le point de départ officiel de la procédure.
La révolution de la « présomption de démission »
C’est sans doute le changement le plus important de ces dernières années en matière d’absence injustifiée, et ses conséquences sont majeures pour les salariés.
Il faut d’abord distinguer l’absence injustifiée de l’abandon de poste. Si une absence injustifiée peut être ponctuelle, l’abandon de poste est caractérisé par la prolongation de cette absence, sans aucune nouvelle du salarié. Pendant des années, certains salariés utilisaient cette méthode pour provoquer un licenciement de la part de leur employeur, ce qui leur permettait ensuite de prétendre aux allocations chômage, contrairement à une démission classique.
Le mécanisme de la loi de 2022
Pour contrer cette pratique, la loi du 21 décembre 2022 a introduit le dispositif de la présomption de démission. La procédure est très stricte. L’employeur doit envoyer au salarié une mise en demeure par lettre recommandée, lui demandant de justifier son absence ET de reprendre son poste dans un délai qui ne peut être inférieur à minimum 15 jours calendaires, à compter de la présentation du courrier.
Le contenu de cette mise en demeure est fondamental pour la validité de la procédure. Elle doit obligatoirement informer le salarié des conséquences d’une absence de réponse : s’il ne reprend pas son poste sans fournir de motif légitime dans le délai imparti, il sera légalement présumé démissionnaire. La lettre doit également préciser que cette situation le privera très probablement de son droit aux allocations chômage.
L’impact est donc majeur. Si le salarié ne répond pas, la rupture de son contrat est considérée comme une démission. Il perd ainsi le bénéfice des allocations chômage, ce qui change radicalement l’issue d’un abandon de poste.
Le choix stratégique de l’employeur
Avec l’introduction de la présomption de démission, l’employeur dispose désormais de deux options distinctes face à un abandon de poste. Une décision du Conseil d’État (n°473640 du 18 décembre 2024) a confirmé que l’employeur conserve ce choix, chaque voie ayant des conséquences radicalement différentes pour le salarié.
Face à un salarié qui a abandonné son poste, l’employeur peut donc choisir entre deux procédures :
- La présomption de démission : Cette procédure est rapide et administrativement simple pour l’employeur. Elle ne nécessite pas d’entretien préalable et, si le salarié ne répond pas, le contrat est rompu. Pour le salarié, cela signifie qu’il n’y a ni indemnité de licenciement, ni droit aux allocations chômage.
- Le licenciement pour faute grave : L’employeur peut toujours opter pour la procédure disciplinaire classique. Bien que cette faute prive également le salarié de ses indemnités de licenciement et de préavis, elle ouvre potentiellement droit aux allocations chômage, sous réserve de l’étude du dossier par France Travail.
Ce choix n’est pas anodin. La décision de l’employeur de suivre l’une ou l’autre de ces voies a un impact direct et significatif sur la situation financière du salarié.
| Option 1 : Présomption de démission | Option 2 : Licenciement pour faute grave |
| Procédure rapide, sans entretien préalable. | Procédure disciplinaire classique, plus longue. |
| Pas d’indemnité de licenciement, pas de préavis. | Pas d’indemnité de licenciement, pas de préavis. |
| Perte du droit au chômage. | Droit potentiel aux allocations chômage (sous réserve d’examen par France Travail). |
Les exceptions à connaître
Il existe cependant des exceptions. La présomption de démission ne s’applique pas dans les cas suivants (article R1237-13 du Code du travail) :
- Exercice du droit de retrait : Lorsque le salarié estime être face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
- Consultation médicale justifiée : Une absence liée à des raisons médicales, dûment justifiée par un certificat médical ou un arrêt de travail.
- Refus d’une modification substantielle du contrat : Si l’employeur modifie unilatéralement un élément essentiel du contrat (rémunération, horaires, lieu de travail).
- Situations de harcèlement ou de discrimination : Un salarié victime de harcèlement moral, sexuel ou de discrimination peut légitimement s’absenter pour se protéger.
Cas particuliers nécessitant une vigilance accrue
- Salarié en arrêt maladie : Un salarié qui ne reprend pas le travail à l’issue de son arrêt nécessite une vérification de l’absence de prolongation d’arrêt.
- Salariées enceintes ou en congé maternité : Elles bénéficient d’une protection renforcée. Toute absence dans ce contexte doit être analysée avec la plus grande précaution.
Mieux vaut prévenir que guérir
Les règles encadrant l’absence injustifiée sont loin d’être un simple détail administratif. Elles sont précises, et les évolutions législatives récentes ont renforcé les obligations du salarié tout en offrant de nouveaux outils aux employeurs. L’introduction de la présomption de démission a notamment mis fin à une zone grise qui pouvait parfois être utilisée à l’avantage du salarié.
Les réflexes à adopter
- Prévenir dès le premier jour d’absence par tout moyen laissant une trace écrite
- Respecter les délais d’envoi des justificatifs (48 heures pour un arrêt maladie)
- Connaître ses obligations contractuelles et les consulter régulièrement
- Maintenir le dialogue avec l’employeur, même en cas de difficultés
La clarté et la communication restent les meilleurs remparts contre les situations conflictuelles et leurs conséquences préjudiciables.
Courrier type de mise en demeure
En l’absence totale de réponse, l’employeur envoie une lettre de mise en demeure en recommandé avec accusé de réception. Ce courrier formalise le manquement, constate l’absence injustifiée et exige une justification ou la reprise du poste. Voici un exemple :
[Nom de l’entreprise]
[Adresse de l’entreprise]
[Code postal, Ville]
[Email / Téléphone]
[Date]
Recommandé avec Accusé de Réception
Objet : Mise en demeure pour absence injustifiée – Exigence de justification ou reprise immédiate du poste
À l’attention de [Nom et prénom du collaborateur],
[Adresse du collaborateur],
[Code postal, Ville]
Madame, Monsieur,
Malgré nos précédents échanges [ou « nos tentatives de contact »] visant à obtenir une explication concernant votre absence depuis le [date de début de l’absence], nous constatons que vous n’avez, à ce jour, fourni aucune justification ni réponse à nos sollicitations.
Cette absence, non autorisée et non justifiée, constitue un manquement à vos obligations contractuelles, telles que définies par votre contrat de travail et le règlement intérieur de l’entreprise. Nous vous rappelons que toute absence doit être signalée et justifiée conformément aux procédures en vigueur.
En conséquence, nous vous mettons en demeure, par la présente lettre, de :
- Fournir sans délai une justification écrite et valable pour votre absence, accompagnée des pièces justificatives nécessaires (certificat médical, etc.), sous 48 heures à compter de la réception de ce courrier.
- Reprendre immédiatement votre poste à défaut de justification valable, dès le [date de reprise souhaitée, généralement le lendemain de la réception du courrier].
À défaut de réponse de votre part ou de reprise effective de votre travail dans les délais indiqués, nous nous réservons le droit d’engager toute action disciplinaire ou judiciaire appropriée, pouvant aller jusqu’à la rupture de votre contrat de travail pour faute grave.
Nous restons à votre disposition pour échanger sur cette situation et vous invitons à nous contacter dès réception de ce courrier.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
[Nom et prénom du responsable RH ou manager]
[Poste occupé]
[Nom de l’entreprise]
Sources et références
- Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail : www.legifrance.gouv.fr
- Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 relatif à la procédure de présomption de démission : www.legifrance.gouv.fr
- Code du travail, article L1237-1-1 (Présomption de démission)
- Code du travail, article R1237-13 (Exceptions à la présomption de démission)
- Ministère du Travail et des Solidarités : travail-emploi.gouv.fr
- Décision du Conseil d’État n°473640 du 18 décembre 2024


